Ces dernières années, j’ai vraiment commencé à observer une certaine disparité entre femmes et hommes dans mon milieu professionnel. Plus encore depuis que j’ai changé d’entreprise. Nous sommes une équipe de 15…et j’ai 13 collègues… masculins.
J’observais cela sans forcément me pencher réellement sur le sujet.
Le seul constat que j’avais fait à mon niveau était que, depuis presque 10 ans, j’évoluais dans un milieu relativement masculin.
Mais était-ce réellement une généralité ?
À travers cette chronique, ça sera l’occasion d’en savoir plus pour ma culture personnelle, de me documenter et de ne pas me baser uniquement sur mes propres interprétations…
Commençons…
En réfléchissant à la manière dont j’allais aborder le sujet, j’ai pris mon téléphone, j’ai listé toutes les applications que j’utilise au quotidien, aussi bien dans ma vie personnelle que dans ma vie professionnelle, et le constat fût édifiant :
TOUTES les applications que j’utilise, que nous utilisons, ont été développées ET/ OU sont gérées actuellement par des hommes : Google, Facebook, WhatsApp, Amazon, Microsoft, Apple, Twitter /Linkedin / Spotify / Youtube / Slack / Snapchat / Leboncoin / TikTok / Twitch / Adobe …
La seule et unique application que j’utilise et qui a été développée par une femme est Vinted, créée en 2008 par une lituanienne Milda Mitkute.
Lorsque je parle de développement ici, je parle de l’idée principale de l’application et du développement commercial.
Parce que oui… l’application en elle-même a été développée par son associé, un homme.
J’avais déjà l’impression ces dernières années, que le monde du digital était un univers un peu conçu, programmé, et maintenu par quelques hommes de milieu socioprofessionnel relativement favorisé (on peut clairement penser aux patrons des GAFAM…).
En réalité, je n’avais jamais réalisé que ce n’était pas qu’une impression mais un fait totalement avéré, officiel, acté et en si peu de temps de recherche confirmé.
Un peu ahurie par ce constat, réalisé en peu de minutes et quelques clics, je commençais à me demander si « L’élite de la technologie et du développement informatique ne serait pas composée uniquement d’hommes ? » et ce depuis toujours ??
Je continue mes petites recherches du type :
- « Inventeur de l’internet » je savais qu’avec mes études cela venait de l’armée… oui d’accord 2 hommes sont derrière.
- « Le protocole World Wide Web », durant ma licence, j’avais entendu parler de Tim Berners Lee, mais juste pour être sure ? C’était bien lui !
- « Inventeur du téléphone portable » : un homme et même des hommes
Mais où sont les femmes ?
Arrive le moment de la recherche « inventeur de l’ordinateur ».
C’était très honnêtement la dernière que j’avais en tête, je pensais laisser tomber et j’étais presque désespérée à l’idée de ne trouver aucune femme dans mes recherches.
Wikipédia me propose pour l’inventeur de l’ordinateur, Charles Babbage (son nom me parlait vaguement). J’étais juste surprise qu’il ait pensé à l’idée de développer une machine à calculer (ancêtre de l’ordinateur) dès 1834.
C’est vieux, mais là encore, c’était un homme. Je vous passe ma recherche sur le développeur de l’ordinateur moderne, on connaît la réponse.
Le premier développeur est une développeuse
J’allais fermer ma page de recherches Google (un peu dépitée sans être forcément étonnée), lorsqu’une suggestion m’interpelle. Un portrait en noir et blanc d’une femme : Ada Lovelace.
Tiens était-ce la femme de Babbage ?
Très honnêtement je n’avais jamais entendu parler d’Ada. Je m’empresse de cliquer sur le lien qui m’amène sur sa page Wikipédia .
Mais quelle ne fut pas ma surprise !
Ada Lovelace, de son nom complet Augusta Ada King et comtesse de Lovelace, est une fille de Lord mais, surtout, la pionnière de l’informatique.
Donc cela veut dire, qu’au milieu du 19ème siècle des femmes travaillaient dans l’informatique ?
C’était pour moi une nouvelle que je prenais comme un cadeau. Je m’empressais de dévorer sa biographie Wikipédia (d’ailleurs le développeur de Wikipédia est aussi un homme bien entendu).
Il s’avère qu’Ada Lovelace, d’origine anglaise, a travaillé avec Charles Babbage.
Elle a pensé et planifié la conception d’une machine susceptible d’effectuer des opérations mathématiques complexes et qui est considérée comme l’ancêtre de l’ordinateur.
Cependant elle va toutefois plus loin.
Elle imagine une machine dont les possibilités iraient au-delà du calcul et capable de jongler avec les mots, les images et la musique.
Bien trop en avance sur son temps, le projet ne sera jamais construit. Mais les notes rédigées et les croquis réalisés seront utilisés par les hommes qui bâtiront le premier ordinateur, un siècle plus tard (rien que ça !).
Ada Lovelace est considérée comme la première développeuse de l’histoire étant a l’origine du premier programme informatique.
Après ces découvertes, pleine de joie, je ne souhaitais pas m’arrêter en si bon chemin et décidais de continuer ma petite enquête sur les femmes dans la technologie.
Hedy Lamarr, ou la naissance en beauté du WIFI
Je tombe justement sur une autre femme, Hedy Lamarr, magnifique actrice hollywoodienne des années 1940. En plus du cinéma, Hedy Lamarr a une autre passion, la science et la technique ainsi qu’une imagination débordante de créativité. Surtout, cette actrice d’origine autrichienne, a fui son mari fasciste, directeur d’une usine d’armement, grand ami d’Hitler et Mussolini…
Mais en quoi cela est important ici ?
C’est que Hedy Lamarr avait écouté toutes les conversations de son mari et de ses amis et, qu’en pleine seconde guerre mondiale, elle souhaitait aider.
En plus de sa beauté incroyable, elle savait que les torpilles des sous-marins étaient repérables à cause des fréquences qu’elles émettent.
À ce moment, elle rencontre George Antheil, pianiste, qui a su faire jouer seize pianos simultanément dans son Ballet mécanique. Les deux se demandent pourquoi l’armée ne pourrait pas sauter d’une fréquence à l’autre pour éviter de se faire repérer ? Bingo ! Ils créent ensemble un système de codage des transmissions pour sécuriser les télécommunications, appelé étalement de spectre. Mais en quoi est-ce important pour nous aujourd’hui ? Parce que ce sytème n’est autre que l’ancêtre du Wifi et du GPS.
Sans Hedy Lamarr, vous ne seriez certainement pas entrain de me lire de votre smartphone au bord d’une piscine (ou sur votre canapé).
On continue ?
Après la découverte de ces deux figures des sciences informatiques et du développement, j’étais toujours autant exaltée et souhaitais persévérer dans mes recherches.
Sans ces dernières, les applications que nous utilisons au quotidien développées par des hommes, n’auraient très certainement pas pu voir le jour.
Grace Hopper, l’homme de l’année 1969 en informatique…
Mathématicienne américaine, elle s’engage dans l’armée en 1943 dans l’unité WAVES (Women Accepted for Volunteer Emergency Service, « femmes acceptées pour le service d’urgence volontaire »). Il s’agit de la branche féminine de l’US Navy pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Ces femmes, que l’on surnomme à l’époque les ordinateurs humains, étaient en charge, pendant que les hommes étaient au front, d’étudier particulièrement les trajectoires balistiques pour toujours les améliorer.
Promue lieutenant, Grace Hopper est affectée à l’université d’Harvard pour y programmer l’ordinateur Mark 1 bien que son supérieur soit réticent à l’idée de travailler avec une femme…
Le Mark 1 ?
C’est un calculateur générique programmable par cartes perforées. Grace passe des heures à la programmation de cette nouvelle machine dont les résultats sont très attendus. N’oublions pas que nous sommes là en pleine période de guerre. À la suite de ce travail titanesque, Grace décide de nommer le processus d’écrire des instructions, le codage (coding).
Elle est parmi les premières à défendre l’idée d’un langage de programmation qui serait d’une part, indépendant des machines et d’autre part, possible d’être exprimé non pas avec des symboles mais à l’aide d’un langage proche de l’anglais.
C’est en 1959, avec une poignée d’autres scientifiques, qu’elle pose les bases du langage Cobol (Common Business Oriented Language) qui sera une vraie révolution industrielle et est toujours utilisé aujourd’hui, notamment par les banques. C’est ainsi que né le code informatique que l’on connait aujourd’hui.
Homme de l’année ⸮
Contrairement à Ada Lovelace et Hedy Lamarr, Grace Hopper a été très primée tout au long de sa vie. Elle reçoit en 1969, le prix de… l’homme de l’année en informatique… (oui oui HOMME de l’année).
Enfin, ce point parlera à tout chef de projet digital, elle est connue pour avoir rendu populaire la notion de « bug », bien que le terme était déjà utilisé pour désigner des phénomènes inexplicables.
Le terme de « bug » est associé à la découverte d’un insecte, en l’occurrence une mite, qui avait provoqué un faux contact et une erreur dans l’exécution d’un programme.
Sans ces 3 femmes le monde technologique serait bien triste et en retard en 2022.
Néanmoins, je commençais à me dire que nous manquions de femmes françaises dans cette chronique.
La naissance du premier mini-ordinateur français
Problème résolu avec Alice Recoque, pionnière française de l’informatique et de l’intelligence artificielle, décédée en 2021 à l’âge de 91 ans.
Très peu connue du grand public, elle a dirigé le développement du mini-ordinateur Mitra 15, conçu dans le cadre du Plan Calcul, voulu par le général de Gaulle. Le Mitra 15 est considéré comme le premier des mini-ordinateurs de la Compagnie Internationale pour l’informatique.
Son nom est un acronyme signifiant : Mini-machine pour l’Informatique Temps Réel et Automatique.
Commercialisé à partir de 1971 et jusqu’en 1985, le Mitra 15 a permis de favoriser le contrôle des robots ou des systèmes de sécurité dans les centrales nucléaires, piloté des missiles ou des navires, et calculé des expériences scientifiques. Plus de 8000 unités ont été vendues.
A la fin des années 1970, Alice Recoque aurait pris pars aussi à la création de la CNIL que nous connaissons tous si bien (coucou le RGPD).
Là encore, le travail d’Alice Recoque ne fut pas reconnu à sa juste valeur et elle restera dans l’ombre de la réussite commerciale du Mitra15.
Mais qui a inventé les bases du référencement ?
J’ai dû me contrôler dans la rédaction de cette chronique pour ne pas déborder… Je vais tout de même vous parler d’une dernière femme importante à mes yeux : Karen Spärck Jones.
Scientifique anglaise et chercheuse en informatique, on lui doit la méthode TF-IDF, mesure de pertinence pondérée. Oui mais en quoi cette méthode est importante ?
TF est l’abréviation de “Term Frequency”, ce qui signifie “fréquence du terme”. Il s’agit de déterminer la fréquence d’un mot dans un document.
IDF est l’abréviation de “Inverse Document Frequency”, ce qui signifie “fréquence Inverse de Document”.
Il s’agit d’établir si un mot dans un document est rare ou non dans la langue en général, en application de l’idée selon laquelle les mots les plus rares sont toujours plus porteurs de sens.
En associant le facteur TF au facteur IDF, on peut ainsi associer la présence “physique” du mot dans un texte avec le poids de son importance.
Cela permet ainsi de définir la pertinence d’un mot-clé précis dans un texte.
Karen Spärck Jones a posé les bases du référencement que nous connaissons. Sa méthode est toujours utilisée aujourd’hui dans la plupart de nos moteurs de recherches.
Karen Spärck Jones a reçu tout au long de sa carrière de nombreux prix.
Elle est également le mentor d’une génération de chercheurs, hommes et femmes, et lance ce slogan “L’informatique est trop importante pour être laissée aux hommes”…
J’ai décidé de ne parler que de ces quelques femmes, mais tant d’autres ont joué un rôle important tout au long de l’histoire du développement informatique et de la technologie.
Et puis encore
Par exemple, Elizabeth J. Feinler, qui développe les premiers serveurs et le premier registre de noms de domaine pour internet. Mais aussi Margaret Hamilton sans qui les missions spatiales Apollo n’auraient jamais pu décoller….
Ce que ces femmes ont de commun, dans ce que je vois d’elles, c’est d’être à l’initiative d’inventions majeures, qui ont totalement bouleversé le secteur technologique, informatique, mais qu’elles ont toutes été reléguées dans l’ombre de leurs collègues masculins.
Alors, pourquoi n’en entendons-nous pas, voire par du tout, parler ?
L’informatique est trop importante pour être laissée aux hommes
Il faut savoir que, jusque dans les années 1980, la programmation était vraiment l’histoire des femmes, elles y étaient plus nombreuses que les hommes.
Dès la fin des années 1980, la tendance s’inverse totalement et on en arrive en 2022 à moins de 20% de femmes en terme d’effectif dans ce domaine.
Mais pourquoi arrivons nous à ce changement radical ?
Notamment parce que la montée en puissance de l’informatique est devenue un enjeu stratégique pour les entreprises et les États. Elle a gagné totalement en prestige avec des enjeux financiers colossaux… Les hommes s’y sont donc engouffrés de manière exponentielle au détriment des femmes.
Aujourd’hui nous pouvons clairement parler de sous-représentation des femmes dans le domaine.
Cette sous-représentation représente une régression sociétale porteuse d’inégalités incroyables entre hommes et femmes (salaire différent pour poste similaire n’est pas qu’un exemple…).
Le secteur du numérique est considéré comme l’un des moteurs de l’économie mondiale avec des entreprises qui connaissent des croissances importantes (le cas des Licornes en France).
C’est le secteur qui générera le plus de nouveaux emplois dans les années à venir : l’emploi dans le numérique progresse 2,5 fois plus vite que dans les autres secteurs.
En exclure les femmes est dommageable. Cela les priverait d’opportunités d’emplois dans un secteur en forte croissance, aux statuts plus stables, aux perspectives de carrières prestigieuses et fortement rémunérées. Mais surtout, ça prive le numérique du savoir des femmes…
D’un point de vue économique, selon la Commission Européenne, si les femmes occupaient autant d’emplois que les hommes dans le numérique, il s’ensuivrait un gain d’environ 9 milliards d’euros par an pour le PIB européen… et bien nous en sommes encore TRÈS LOIN.
Niveau parité dans le numérique, il y a énormément de choses à développer au niveau mondial mais surtout en France… bien que certaines solutions commencent timidement à émerger.
Mais je ne vais pas commencer à me lancer sur ce sujet, parce que je pense que… ce sera le sujet de ma prochaine chronique.
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