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Les jeunes nés avec les Technologies de l’Information et de la Communication en auraient une maîtrise innée ? Il est plus que temps de tordre le cou à ce cliché.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, rappelons d’abord un chiffre en lien avec l’illectronisme : près de 30% des 15-29 ans se déclarent peu ou pas compétents en matière d’administration numérique

Ils sont pourtant considérés comme étant des Digital Natives.

Alors, de quoi parle-t-on ?

L’idée de Digital Native, ou “enfant du numérique” selon l’Académie française, a été émise pour la première fois en 2001 par l’écrivain et conférencier américain Marc Prensky. 

Celui-ci les définissait alors comme une génération de personnes nées après 1980 avec le numérique en tant que culture (soient les générations Y, Z et alpha), surfant intuitivement sur le web, capables de se connecter n’importe où, et de manipuler différents outils digitaux, écrans et plateformes en même temps, rapidement et efficacement.

Cette notion a conduit les parents et le corps enseignant à ce malheureux raccourci que, si les jeunes sont “naturellement” compétents, ils n’ont donc pas besoin d’apprendre (contrairement aux précédentes générations qualifiées de Digital Immigrants par Prensky).

Seulement non. Il y a déjà 2 problèmes derrière ce cliché tenace.

D’une part, il est compliqué de délimiter la jeunesse à une tranche d’âge précise : enfance, pré-adolescence, adolescence… sont des étapes différentes pour chacun-chacune, avec des frontières floues, avec des vécus et des expériences qui leur sont propres. 

D’autre part, cela n’a évidemment rien d’inné : utiliser n’est pas synonyme de maîtriser.

Ce n’est parce que les enfants ont accès très tôt à des outils numériques, et qu’ils y passent du temps (en moyenne, l’ensemble des 7-25 ans passe 3h50 par jour sur un téléphone ou un ordinateur), qu’ils n’ont pas besoin d’être accompagnés, formés à leurs usages. 

L’environnement digital des jeunes façonne, certes, leurs dispositions vis-à-vis des nouvelles technologies, mais ne les détermine pas pour autant.

Déjà, parce que les utilisations sont diverses, liées aux besoins du moment, au milieu social et économique, à l’équipement personnel ou encore aux pratiques mêmes du ou des parents. 

C’est ainsi que lors des confinements, l’enseignement à distance a mis en lumière d’importants écarts entre les élèves : des inégalités d’accès et d’équipements (fracture de 1er degré) ; des inégalités d’usages et de pratiques (fracture de 2nd degré).

Pour résumer

L’utilisation du numérique par une majorité de jeunes est principalement orientée vers les loisirs et les réseaux sociaux, alors que d’autres fonctionnalités et services utiles sont peu exploitées, voire totalement inconnues.

Ainsi, d’après une enquête réalisée par l’INSEE, près d’1 jeune sur 5 a au moins une incapacité numérique parmi les 4 grandes compétences de base et indispensables telles que définies par la Commission Européenne, à savoir :

  • la recherche d’information (produits, services, emploi…)
  • la communication en ligne (envoyer/recevoir un mail, insérer une pièce jointe…)
  • la résolution de problèmes (accéder à un compte bancaire en ligne, copier des fichiers…)
  • l’usage de logiciels (traitement de texte, tableur….)

Imaginez les conséquences concernant l’autonomie en matière de recherche de stage (et la rédaction du rapport ensuite), de recherche d’emploi et, plus généralement, d’insertion professionnelle…

Ce n’est cependant pas un reproche que l’on peut adresser aux jeunes, mais bien aux attentes biaisées du monde du travail, persuadé des capacités digitales des dernières générations.

Qui plus est, le numérique n’est évidemment pas nécessaire, aujourd’hui, dans tous les métiers, il est toutefois essentiel pour en trouver un !

Pour conclure, ce mythe du Digital Native est ce qu’appelle l’anthropologue des usages des technologies numériques Pascal Plantard (Université Rennes 2), le “complexe d’Obélix”.

Cette image, qui parlera à tout le monde, désigne évidemment le fait que les jeunes, s’ils sont tombés dans la marmite numérique étant petits, ont toutefois grand besoin d’y être éduqués car ils ne connaissent pas leur force…

complexe d'Obélix
Catégories : Numérique

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