Cela fait moins d’une dizaine d’années que les NFTs sont apparus dans l’univers des cryptomonnaies.

Néanmoins, depuis 2021, ces NFTs (non fongible tokens, soit jetons nonfongibles) commencent à véritablement se populariser en même temps que le fameux Web 3.0.

Un petit rappel par rapport aux Web 1.0 et Web 2.0 ne serait pas de trop.

Le Web 1.0 ou Web 1 est la première version du web, le web « en lecture seule ». A l’époque la seule possibilité présente pour l’internaute était la consultation de pages fixes, il n’y avait aucune interaction possible. Le Web 2.0 est le web que nous connaissons tous, le web où nous pouvons tous interagir. 

Mais alors le Web3 ou 3.0 c’est quoi ? C’est le web de la décentralisation des données que nous allons aborder à travers les NFTs entre autres. 


Des jetons non fongibles, mais kesako ?

Tous les grands dictionnaires en ligne ou en version papier s’accorderont pour nous donner comme définition d’une chose fongible : un bien, un objet, qui se consomme à l’usage et peut être remplacé par une chose identique, ressemblante (denrée, argent liquide). Il s’agit alors d’un bien que l’on peut mesurer, compter, peser et échanger, contre un autre du même genre.

Par opposition, un bien non-fongible est un bien que l’on ne peut échanger.

Nous pouvons échanger des pièces de monnaie contre de la nourriture, mais nous ne pouvons pas échanger de NFT. Ce qui fait de lui un bien unique et irremplaçable comme l’est une œuvre de Pablo Picasso par exemple.

Un NFT, à l’ère du Web 3.0, est donc un certificat d’authenticité numérique que nous ne pouvons pas interchanger avec un autre.

La traçabilité d’un NFT est incontestable et inviolable. Cela grâce à la blockchain (chaîne de blocs), qui est une grande base de données contenant l’historique de tous les échanges réalisés entre ses utilisateurs depuis sa création, et elle est surtout infalsifiable.

Illustration du fonctionnement de la blockchain (chaîne de blocs)

La grande particularité de cette blockchain ?

C’est son architecture décentralisée (l’une des caractéristiques du Web3.0).

En effet, elle n’est pas hébergée par un serveur unique mais par une partie des utilisateurs, par nos ordinateurs. Il n’y a aucun intermédiaire, pour que chacun puisse vérifier lui-même la validité de la chaîne.

Les informations contenues dans les blocs (transactions, titres de propriétés, contrats, ) sont protégées par des procédés cryptographiques empêchant les utilisateurs de les modifier a posteriori.

La blockchain est une nouvelle façon de stocker les données dans un registre dédié.

Ce qui permet à de multiples intervenants d’accéder à la même information de manière sécurisée et en toute confiance.

Bref, nous sommes ici dans un monde purement virtuel. Mais attention, cette blockchain est accessible à tous. Cela nécessite cependant quelques petites connaissances numériques et l’ouverture d’un portefeuille électronique de cryptomonnaies.

Bien que nous soyons aux balbutiements de ce Web3, certains secteurs ont commencé à voir l’intérêt que ce « nouveau monde » pourrait présenter. 


Les NFTs, vers une révolution de l’art ?

Jusque-là, je ne sais pas si vous me suivez. 

Moi-même, je dois avouer que pour préparer cet article et tout comprendre, j’ai dû réaliser un tas de recherches. Et je suis arrivée dans un univers totalement parallèle. 

Pour commencer, jusque-là, je pensais que ce Web 3.0, ces NFTs, ces blockchains… étaient destinés à seulement quelques aficionados et ne touchaient pas vraiment le grand public.

Même si nous pouvons observer une certaine démocratisation des cryptomonnaies ces dernières années (on peut investir très rapidement et en quelques clics dans le bitcoin, la plus célèbre des cryptomonnaies, sur des plateformes dédiées), cela reste tout de même un monde qui n’est pas forcément accessible facilement.

En effet, pour la plupart d’entre nous, nous restons « simplement » dans notre Web 2.0. Nous nous écrivons sur Messenger, nous postons la plus belle photo de nos vacances sur notre compte Instagram, nous réagissons aux stories de nos amis et nous tweetons.

Le Web3 si nous ne nous renseignons pas, nous le connaissons que très vaguement. 

Nous pouvons facilement assimiler cet univers au Darknet (alors que cela n’a aucun rapport) et nous faire peur.  Ce monde des blockchains ne me paraissait pas du tout accessible.

Personnellement, je n’ai pas des millions d’euros (et mes proches non plus, enfin je crois 🙂 ) pour acheter le code source du World Wide Web.

Parce qu’un exemple de NFT connu, est la vente au courant de l’été 2021 par Tim Berners Lee (évoqué dans un précédent article) du code source de l’internet pour la modique somme de 5,4 millions de dollars.

Le premier tweet de l’histoire, rédigé par son fondateur Jack Dorsay, a lui aussi été vendu, début 2021, 3 millions d’euros.

Jusqu’à présent, je ne voyais pas vraiment l’intérêt de tout ça. Et pour être honnête, je ne comprenais pas réellement le principe… 

Toutes ces notions, ces œuvres restent relativement abstraites. Alors où se situe exactement la révolution que peuvent amener les NFTs ?

Le futur des toiles est sur la toile avec les NFTs ?

Au départ, ce sont les gamers* qui se sont emparés de ces jetons non fongibles. Mais plus le temps passe et d’autres institutions commencent à voir leur intérêt.

Nous savons qu’un jeton non fongible va renfermer une quantité d’informations importantes (images, vidéos, ligne de code…). Une fois inscrite dans la blockchain comme nous l’avons vu plus haut, l’œuvre sera accompagnée d’un certificat d’authenticité numérique. Ce certificat garantit que l’internaute en sa possession est bien le seul et unique propriétaire de ce NFT.

Une fois numérisé sur la chaîne de blocs, l’historique de l’œuvre (date d’achats, de reventes, date de création, nom du créateur, …) est inscrit à vie. Ne serait-ce pas là une aubaine pour le futur du monde de l’art et de la culture ?

Récemment des maisons de ventes aux enchères réputées, comme l’anglaise Christie’s ou la new-yorkaise Sotheby’s, se sont intéressées aux NFTs en y voyant un fort intérêt pour le développement de l’art dans le monde virtuel.

L’exemple le plus significatif ?

C’est la vente du NFT associé à l’œuvre numérique « Everydays : The First 5000 Days » de Mike Winklemann, connu sous le nom de Beeple.

la-click-Everydays - The First 5000 Days
Illustration de l’œuvre Everydays – The First 5000 Days de Mike Winklemann

Mike Winklemann, est un développeur web américain qui n’a aucun lien avec le monde de l’art.

En 2007, concevoir des sites internet commence à l’ennuyer… il se met donc à dessiner dans son coin, chaque jour de l’année (en ne loupant aucun jour, même celui de son mariage), une œuvre numérique.

Il finira par toutes les assembler pour créer son œuvre finale en 2021. Cette œuvre mise aux enchères, par Christie’s était estimée à 100 $. Mais contre toute attente elle s’est envolée à 69,3 millions de dollars au cours des dernières minutes de la vente.

L’acquéreur de cette œuvre numérique reste secret, il est simplement connu sous le pseudonyme Metakovan, considéré comme l’un des plus anciens investisseurs dans les NFTs. 

A ce jour « Everydays : The First 5000 Days » reste le NFT le plus cher de l’histoire vendu. Sans le savoir, cette vente va créer une révolution au sein de ce marché confidentiel qu’est l’art.

Ça restera la première œuvre d’art purement numérique jamais vendue par une grande maison d’enchères, faisant de Mike Winkelmann le troisième artiste vivant le plus coté…

Aujourd’hui, Mike Winkelmann signe des contrats pour des collaborations avec des grandes marques comme Louis Vuitton et des artistes comme Madonna qui veulent être présents dans ce Web3.

Un autre exemple ?

Pas plus tard que mardi 11 octobre dernier ! Un autre artiste, cette fois britannique, Damien Hirst, connu dans le monde de l’art contemporain, a fait parler de lui dans le monde des NFTs

Il a lancé en juillet 2021 un projet appelé « The Currency » (« La monnaie ») en mettant en vente 10 000 œuvres avec des points multicolores. Jusque là rien d’exceptionnel… 

Sauf que le principe était de proposer à ses acquéreurs, soit la peinture « physique », soit la peinture en version NFT. Les acheteurs avaient ensuite un an pour choisir sous quelle forme ils souhaitaient leur œuvre. 5149 ont gardé les tableaux, un peu plus de la moitié, et les 4851 restants ont choisi la version NFT.

Ces 4851 œuvres, déjà réalisées physiquement, ont donc été brûlées à partir du 11 octobre dernier. Cette nouvelle pratique artistique en lien avec le monde des NFTs à de quoi interroger…

Damien Hirst

Les NFTs au sein du monde de l’art et de la culture commencent très sérieusement à intéresser et à se développer.

Est-ce que le futur des toiles se trouverait sur la toile ?

Quoiqu’il en soit cette nouvelle activité artistique a de quoi être suivie sur ces prochains temps…

Est-ce qu’il va y avoir des dérives ? Le marché de l’art numérique va encore prendre de l’ampleur ? 

Au moment où je découvrais cela, un matin dans le train, je vois sur Twitter qu’Hermès venait de déposer sa marque en NFT

Mais pourquoi une marque de luxe déposerait sa propre marque dans ce monde numérique ? 


NFT et marques de luxe

Les marques de luxe ont mis beaucoup de temps à réellement s’installer sur les internets. A l’époque, ce monde du luxe qui se voulait réservé qu’à une élite, voyait dans la digitalisation une certaine menace.

Des grandes marques comme Chanel, Hermès, Louis Vuitton… ne voulaient pas être popularisées avec la consommation de masse que l’on connaît sur internet. 

Être présentes sur internet voulait dire qu’elles allaient potentiellement être accessibles en quelques clics pour tout le monde.

Néanmoins, le luxe doit faire rêver, le luxe doit rester une exclusivité, une expérience et ne doit pas être accessible à tous. 

C’est ce que l’on observe dans le schéma de vente dit classique d’un produit de luxe. Les grandes maisons ont des magasins somptueux, dans les plus belles villes du monde.

Plus un produit de luxe va se vendre et plus il sera considéré comme abordable. Et donc son prix augmentera (certaines maisons augmentent plusieurs fois dans l’année le prix des produits car ils se vendent beaucoup). Il faut qu’un bien dit de luxe soit rare et ne doit pas être acheté si facilement

C’est pour cela que les grandes marques de luxe ont mis du temps à avoir de véritables stratégies digitales.

Il y a une dizaine d’années, elles arrivaient timidement sur la place avec un site vitrine classique pour leur image de marque. Les sites e-commerce ne sont pas apparus tout de suite.

Aujourd’hui, elles ont toutes une stratégie digitale très poussée et font de la vente en ligne, mais pas pour tous leurs produits.

Selon l’étude Digital Luxury Experience Study de McKinsey, ces ventes en ligne représentent moins de 10% de l’ensemble des ventes dans le secteur du luxe. Mais elles affichent un taux de croissance de 27%, alors que les ventes en magasin n’ont augmenté que de 7%.

Luxe et NFTs des valeurs communes ?

Depuis 2021, plusieurs grandes marques du secteur se sont lancées dans le domaine des NFTs en voyant un nouveau monde à conquérir, mais aussi pour « lutter » contre certaines dérives et contrôler même sur le Web3 leur image de marque

Elles se sont rendues compte qu’être présentes dans l’univers des NFTs devait faire partie intégrante de leurs stratégies digitales actuelles et futures.

D’autant qu’elles ont les moyens financiers d’arriver sur cette nouvelle place.

C’est justement pour redorer et rajeunir son image que Dolce & Gabbana en octobre 2021 a vendu ses premières pièces virtuelles.

La capsule exclusive nommée « Collezione Genesi » comprenait 9 pièces virtuelles (deux robes, trois vestes, un costume, deux couronnes et un diadème) qui sont parties pour 1.885,73 ethereums, soit l’équivalent d’environ 4,8 millions d’euros.

En perte de vitesse ces dernières années, la marque a su avec cette action créer une crypto-communauté surnommée la « DGfamily » qu’elle cible de plus en plus dans sa stratégie digitale. 

Louis Vuitton, Gucci, Prada et d’autres se sont lancés sur le Web 3.0 cette dernière année, plus créatives les unes que les autres, pour élargir leur rayonnement mondial et toucher de nouvelles cibles. 

Ce que les marques aiment dans les NFTs, c’est qu’elles retrouvent dans ce monde toutes leurs valeurs : expérience ultra-personnalisée, rareté et discrétion.

Maintenant, pour en revenir à Hermès pourquoi déposer sa marque en NFT ? 

logo Hermès

Dérives et controverses des NFTs

Bien entendu, ce « nouveau » monde, qui n’a pas encore transmis la totalité de ses secrets, commence déjà à voir apparaitre ses dérives (comme nous avons pu le voir plus haut et la mise au feu de nombreuses œuvres qui peut vraiment interroger). 

Puisque ce monde n’était, au départ, accessible que pour certaines personnes, des dérives ont pu voir le jour en faisant le cryptobonheur de certains. 

Le cas « Birkins »

La marque française Hermès n’a pas encore intégré globalement le Web3, mais a déjà été victime de contrefaçon. En janvier 2022, la marque a déposé plainte à New-York contre Mason Rothschild

Jeune artiste numérique, cet américain a créé et lancé les NFTs « Metabirkins ». Ces NFTs ont la forme des sacs Birkin (sacs iconiques de la marque de luxe française). Mason Rothschild les a vendus pour plus d’un million d’euros faisant sortir de leurs gonds les dirigeants d’Hermès. 

La click - Hermès NFT
Illustration des contrefaçons NFTs de Hermès

Surtout qu’il n’en était pas à son coup d’essai. Quelques mois auparavant, il avait mis en vente un unique NFT appelait « Baby Birkins » vendu près de 40 000 €

Hermès, encore très loin de se lancer dans ce monde virtuel, a vu dans cette vente une véritable menace et se considère victime.  

Dans sa plainte, déposée auprès d’un tribunal fédéral de New York, Hermès accuse Mason Rothschild de contrefaçon, de vouloir s’enrichir illégalement avec le Birkin et que cette action va à l’encontre des droits de la marque. 

Le procès n’a pas encore eu lieu, mais déjà, pour lutter contre cette nouvelle forme de dérives, Hermès a déposé sa marque en NFT afin qu’aucun autre individu ne puisse vendre des NFTs Hermès de contrefaçon et ainsi protéger à l’avenir sa marque

De son côté, l’artiste américain se défend en disant qu’il ne « fabrique pas de faux sacs Hermès pas plus qu’il ne les vend », mais dit réaliser « des œuvres d’art représentant des sacs ‘Birkin’ imaginaires en fourrure »… 

Quoiqu’il en soit, la marque est déposée et aucun autre artiste ne peut l’utiliser sans être accusé de contrefaçon.

Nous n’en sommes qu’au début…

Mais est-ce que la loi de la propriété intellectuelle est la même dans les NFTs que pour les marques physiques ? Là encore, le débat ne fait que commencer. 

Mis à part toucher de nouvelles cibles, et continuer à s’enrichir en intégrant ce nouveau monde, quel est l’avenir des NFTs dans le domaine de l’art et du luxe

Comment les marques de luxe vont gérer cette nouvelle ère de la digitalisation ? Est-ce que les Fashion Weeks, les grandes expositions d’art seront traitées aussi dans ce monde virtuel ? 

En tout cas, de mon côté, j’ai hâte de voir comment ce Web 3.0 va évoluer notamment dans ces deux domaines où les moyens financiers permettent de toujours faire plus. 

*gamers : anglicisme qui désigne un joueur de jeux vidéo (jouant beaucoup aux jeux vidéo)

Noémie Gress

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