Vous avez entre 18 et 34 ans, vous vous informez essentiellement sur les réseaux sociaux et vous ne savez pas SI vous allez voter ou POUR QUI vous allez voter dimanche ? Peut-être que certains contenus diffusés sur ces plateformes vont réussir à vous convaincre.
Entre la Covid et la guerre en Ukraine, la campagne électorale a du mal à se faire entendre parmi l’actualité préoccupante du moment. Les médias historiques et les nouveaux médias, garants d’un rôle démocratique, lui donnent écho dans des pages, des émissions… et aussi… des playlists Youtube, des IGTV, des séquences Tik Tok. Certains innovent et d’autres essayent.
L’objectif reste toujours le même quand on parle « information » et « réseaux sociaux » : vulgariser la thématique pour cibler une nouvelle audience, plus jeune. Entre innovations journalistiques et technologiques, l’actuel traitement médiatique tend ainsi à faire de la campagne électorale un sujet de divertissement. Mais tous les moyens sont-ils bons pour convaincre la jeunesse de se rendre aux urnes ?
Jamais une campagne électorale n’a connu une couverture médiatique aussi novatrice.
Comment les médias rajeunissent leur façon d’aborder la campagne électorale ? Quels sont les nouveaux codes et formats auxquels se plient les candidats pour séduire de jeunes électeurs ?
D’ABORD, QUELQUES RAPPELS
Le rôle des médias dans la campagne électorale
Les médias informent les citoyens sur les partis politiques, les candidats se présentant aux élections et leurs programmes. Ils contribuent comme cela à la formation de l’opinion de l’électorat.
La couverture médiatique doit donc respecter la diffusion d’informations justes, vérifiées et impartiales. Reportages, émissions et débats suivent la règle connue de la répartition équitable du temps d’antenne entre tous les partis et candidats.
Côté candidat, l’usage des moyens de communication revêt une dimension stratégique fondamentale dans toute tentative de conquête du pouvoir.
En réaction à un traitement médiatique de la présidentielle qu’ils jugent parfois standardisé, des jeunes médias proposent des formats et sujets différents sur les réseaux sociaux. Mais pourquoi les réseaux sociaux ?
Le rôle des réseaux sociaux, terrain de conquête
Car ils permettent :
- De s’informer. Il s’agit de la première source d’info chez les 18–34 ans,
- De contribuer et de devenir un acteur de la campagne (s’exprimer, débattre…),
- De mobiliser et sensibiliser au vote,
- D’instaurer un dialogue entre le candidat et les citoyens,
- Pour un candidat, d’organiser sa campagne, attaquer d’autres candidats, lever des fonds…
- D’atteindre des couches particulières de l’électorat à travers une communication ciblée,
- D’échapper aux contraintes de limitation du temps de parole.
L’avenir des campagnes électorales se jouerait-elle sur les plateformes numériques ? Course à l’Elysée ou « course aux abonnés » ?
Mais dans cette guerre, il y a tout de même des règles à suivre, peu suffisantes soient-elles.
Tour d’horizon des formats médiatiques innovants
Il y a les classiques
Ces émissions TV qui sont postées intégralement sur Youtube dans l’espoir de toucher une audience autre et plus vaste que celle des vieux canaux. On peut parler notamment des débats organisés entre deux candidats comme Le Face-à-Face d’LCI : Eric Zemmour VS Valérie Pécresse (1 689 358 vues).
Ou encore, sobrement, Le Débat de BFMTV qui oppose Jean-Luc Mélenchon à Eric Zemmour (7 777 120 vues).
Les médias classiques, et notamment les chaines de TV, n’ont pas le choix que d’exploiter de plus en plus les réseaux sociaux. La consultation des premiers diminuent alors que celle des seconds ne cessent d’augmenter. Selon le Reuters Institute , la télévision demeure la première source d’information des Français (68 % en 2021), mais les réseaux sociaux ont grimpé à 38 % – contre moins de 20 % il y a huit ans.
Puis, il y a les classiques qui se lancent
Saluons France Télévisions qui ose twitcher avec son 20h22.
L’INA, plus institutionnel, a lancé depuis la mi-mars sur son site INA.fr l’émission politique “ADN, l’émission qui plonge les candidats dans les archives. » Chaque jour, ce format long met sous le feu des projecteurs un candidat à l’élection présidentielle en dessinant son ADN politique. Il réagit à des images, le tout guidé par la voix du journaliste Patrick Cohen.
Son traitement sur les réseaux sociaux est par ailleurs assez intéressant. Publication de la bande-annonce en Une Instagram et diffusion d’extraits 16×9 (sur ce réseau, Facebook et Youtube) de 2 minutes choisis pour leur caractère viral, exclusif : « La première télé de xxx », « xxx et l’alerte verte ».
Les petits nouveaux qui donnent une coup de jeune à l’actualité politique
Le Débat du siècle : un débat 100% climat réunissant des candidat.e.s à l’élection présidentielle, organisé sur Twitch et rediffusé sur la chaîne Youtube de Blast, site d’information indépendant et web TV créés par le journaliste Denis Robert. Au cours d’auditions de 30 minutes, l’animateur Jean Massiet et la journaliste Paloma Moritz, confrontent Yannick Jadot, Valérie Pécresse, Fabien Roussel, Philippe Poutou, Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon sur leur vision de l’écologie et leurs propositions.
On ne pouvait pas ne pas le citer : Konbini et le format NOUS candidat.e.s, publié en multi-canal (Facebook, Twitter, Instagram, Tik Tok).
Pour mieux comprendre les candidats et leur programme, Konbini News leur pose à tous une série de questions, sur dix thématiques précises et peu ou pas abordées dans cette campagne. Les candidats sont assis face caméra, installés dans un décor sobre. Les questions sont écrites. Aucun journaliste n’est incarné. Sur Instagram, ces vidéos atteignent des millions de vues.
Nous candidat.e.s existent sous diverses déclinaisons :
- 1 seule question, 1 minute, 10 candidats. Les questions sont personnelles. Exemples : Combien de fois mangez-vous de la viande par semaine ? Avez-vous déjà été confronté a du porno sur Internet sans le savoir ? Avez-vous déjà été arrêté par la police ?
- Une grande thématique (exemple : l’élevage intensif), plusieurs questions, 5-8 minutes.
Les candidats sont clairs. Les réponses sont courtes. Le temps de parole semble respecté pour chacun. Un format plus long mais à la dynamique soutenue. Cette déclinaison aborde des sujets plus sérieux cette fois, relatives aux programmes et aux convictions politiques de chacun.
Enfin, la palme du traitement médiatique de la campagne électorale respectant TOUS LES CODES de chaque plateforme revient à… : HugoDécrypte, véritable influenceur du débat politique français. Entre fond sérieux et codes funs.
HugoDécrypte, c’est : 1,9 million d’abonnés sur TikTok, 1,6 million sur Instagram, plus de 540 000 sur YouTube, 306 000 sur Twitter, plus de 214 000 sur Twitch pour Mashup, son émission hebdomadaire d’actualité lancée en janvier. Au total, il culmine à 4.531.588 abonnés. Un YouTubeur devenu une référence d’information sur les réseaux sociaux.
Hugo Travers, de son nom, souhaite rendre compréhensible l’information sur le fond comme sur la forme en s’adaptant aux codes des plateformes. Et c’est réussi.
Dans le cadre de l’élection présidentielle, il a lancé L’interview face cachée où il reçoit les 12 candidats dans un format qui se réapproprie les codes des réseaux sociaux : écran numérique où apparaissent des emojis qui rythment l’interview, décryptage de « memes » avec les candidats, réaction à des tweets…. Sur Youtube, les interviews de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour dépassent le million de vues.
Sur TikTok, ses vidéos dédiées à la présidentielle d’une minute font mouche. Elles cumulent des centaines de milliers de vues. Parmi les plus populaires, le programme de xxx en 60 secondes ou encore la séquence du chronomètre qui soumet les candidats à répondre par oui ou non en 60 secondes à un maximum de questions.
Que ce soit sur Twitch, YouTube, TikTok ou Instagram, les vidéos et émissions politiques se démultiplient sur les plateformes. Celles-ci occupent désormais une place centrale dans le débat politique. Mais ces nouveaux formats convaincront-ils les électeurs ? Les candidats en viennent à créer eux-mêmes leurs médias personnels : Jean-Luc Mélenchon et ses 739k abonnés sur Youtube, Marine Le Pen et ses 394.5 abonnés sur Tik Tok… Une domination sur la toile est-elle suffisante pour pouvoir remporter une élection ?
Un avertissement pour la fin, chers lecteurs. Ne restez pas dans votre bulle à filtres ! Vous connaissez le fonctionnement des algorithmes et le risque d’enfermement idéologique. Vous aimez la soupe de lentilles ? On va vous en resservir une louche.
Il ne vous reste plus qu’à voter !
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